Programmation
de recherche

Les orientations choisies pour la Chaire Senghor en santé et développement s’inscrivent dans un vaste dispositif de recherche mis en place par l’Université. En effet, celui-ci abrite outre le Collège des chaires de recherche sur le monde francophone, la Chaire de recherche éminente sur la mondialisation et l’équité en santé et la Chaire de recherche Canada sur le transfert et l’assimilation des connaissances dans le domaine de la santé. Le défi de cette Chaire consistera à replacer la santé dans le champ des sciences sociales pour mieux orienter les interventions en santé mondiale et associer étroitement les chercheurs, étudiants, acteurs du milieu communautaire et politiques dans le développement d’un programme de recherche. La Chaire compte établir un programme de recherche en trois axes que nous sont déclinés de façon succincte dans les paragraphes suivants :

AXE DE RECHERCHE 01

Inégalités sociales de santé
maternelle et infantile en Afrique
subsaharienne francophone

Inégalités sociales de santé maternelle et infantile en Afrique subsaharienne francophone

La mortalité infantile n’est malheureusement pas la seule ombre au tableau des pays en développement. De nombreuses femmes sont encore victimes d’une mortalité prématurée qui correspond à une transition sanitaire peu amorcée et à une discrimination axée sur le genre. La grossesse et l’accouchement ainsi que leurs conséquences sont les principales causes de décès, de maladies et d’incapacités chez les femmes en âge de procréer. En dépit de la dynamique de promotion de la santé promue par les objectifs du développement durable (ODD), le bilan en matière de santé maternelle et infantile des dernières années demeure malgré tout contrasté. La littérature sur les inégalités sociales de santé maternelle et infantile est qualitativement hétérogène, et s’avère être relativement peu importante quantitativement et qualitativement. L’existence d’un gradient social en termes de risque pour les femmes et les enfants mériterait d’être mieux documentée-.

L’axe 1 s’inscrit dans ce besoin de proposer des analyses susceptibles d’expliquer et d’explorer les mécanismes qui permettent de mieux comprendre la façon dont les différentes dimensions de la condition sociale des femmes interagissent avec les indicateurs de santé maternelle. Eu égard aux limites de la connaissance sur le sujet, notamment en Afrique subsaharienne francophone, limites qui constituent un réel obstacle à la mise en place de mesures qui soient à la fois opératoires pour réduire ces inégalités sociales de santé maternelle et réalistes, la poursuite de programmes de recherche sur ces questions nous semble aussi nécessaire que fondamentale.

AXE DE RECHERCHE 02

Capital humain, santé et développement en Afrique Subsaharienne francophone

Le capital humain (c’est-à-dire la somme de la santé, des compétences, des connaissances et de l’expérience d’une population) représente la plus grande richesse des nations. Il permet à chacun de se réaliser pleinement et il est de plus en plus reconnu comme l’un des principaux vecteurs de la croissance économique d’un pays. Le développement du capital humain joue un rôle déterminant pour mettre fin à l’extrême pauvreté et ainsi renforcer l’inclusion sociale. Pour y arriver, il faut investir dans la nutrition, les services de santé, une éducation de qualité, l’acquisition de compétences et l’accès aux emplois. Depuis une vingtaine d’années, le capital humain est de plus en plus systématiquement pris en compte en tant que facteur de production dans les modèles économiques. Il existe une riche littérature empirique qui a réussi à établir de façon implacable des liens entre les inégalités de genre en matière d’éducation et la croissance économique. En ce qui concerne la santé, si plusieurs auteurs ont démontré que les femmes africaines paient un lourd tribut à la maladie, très peu de recherches empiriques ont mis en relief les effets mesurables de ces inégalités sur le développement en Afrique subsaharienne francophone.

L’axe 2 de la Chaire se proposer d’explorer les mécanismes d’interaction entre santé des femmes et développement et ainsi, de tester l’existence et la pertinence d’une relation mesurable entre les deux. Ceci est d’autant plus important que certaines études suggèrent que pour certains pays pauvres, la santé pourrait avoir peu ou pas d’impact sur le développement en lui-même, mais que le passage à un meilleur niveau de santé générale de la population pourrait contribuer à aider ces pays à échapper aux pièges de sous-développement. Cet axe de recherche cherchera ainsi è fournir une base théorique et empirique plus solide et rigoureuse aux bonnes intentions des politiques de santé dans les pays en développement. Il revêt une importance capitale parce que l’investissement en capital humain reste aujourd’hui l’un des grands thèmes de la politique économique en Afrique subsaharienne francophone.

AXE DE RECHERCHE 03

Déterminants et mécanismes de mobilisation
des donateurs dans le financement de la santé
en Afrique subsaharienne

Depuis la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement et l’engagement des États à appliquer ses principes (appropriation, harmonisation, alignement, résultats et responsabilité mutuelle), bailleurs et bénéficiaires de l’aide à la santé se sont promis de prioriser les enjeux de santé en utilisant les données probantes selon les modalités d’interventions les plus efficaces disponibles. L’idée sous-jacente est que les politiques de santé devraient prioritairement, voire exclusivement, être déterminées par des considérations objectives. Mais dans les faits, cette approche repose sur des présupposés très contestables, comme en témoignent les travaux de Yaya (2018) sur la question.
En effet, les ressources financières effectivement allouées à l’intégration et au renforcement des systèmes de santé, susceptibles de réduire la morbidité et la mortalité, demeurent malgré tout marginales. De même, l’examen des flux d’aide à la santé révèle des déséquilibres ainsi que des conséquences éthiques parfois fâcheuses, voire inacceptables : trop souvent, seuls les malades intéressant la communauté internationale ont accès aux services préventifs et aux traitements, pendant que la grande majorité
des autres malades et pauvres sombrent dans l’indifférence et la mort. Il apparaît donc clairement que certains enjeux de santé attirent l’attention des dirigeants politiques et des bailleurs de fonds, tandis que d’autres restent au second plan, sans que ces différences ne s’expliquent par de véritables facteurs objectifs.

L’axe 3 de la Chaire cherchera à « ouvrir la boite noire » de la mobilisation des donateurs autour de l’aide à la santé. C’est en enjeu d’importance. Il s’agit notamment de décrire et de comprendre, le rôle joué par représentations sociales, la rationalité des acteurs, leurs idéologies, la configuration des lieux de décision et son ambiguïté qui est trop souvent la caractéristique rémanente de maints processus de délibération en matière de politique publique. Divers paradigmes qui influencent le financement de la santé en Afrique Subsaharienne francophone reposent sur une base empirique limitée et ne sont pas exempts de quelques biais politiques et idéologiques. L’objectif de cet axe de recherche est de les identifier et d’aider à les surmonter afin de renouveler les mécanismes de mobilisation des donateurs dans le financement de la santé en Afrique subsaharienne francophone.

Geordan Shannon et al. (2019). “Gender equality in science, medicine, and global health: where are we at and why does it matter?”. The Lancet, volume 393, numéro 10171, pp. 560-569.

Sanni Yaya et al. (2019). “Gender inequity as a barrier to women’s access to skilled pregnancy care in rural Nigeria: a qualitative study”. International Health, 10.1093/inthealth/ihz019.

Sanni Yaya et al. (2018). “Socioeconomic inequalities in the risk factors of noncommunicable diseases among women of reproductive age in sub-Saharan Africa: A multi-country analysis of survey data”. Frontiers in Public Health, 6(307). doi:10.3389/fpubh.2018.00307.

David E. Bloom, David Canning and Jaypee Sevilla (2004). “The Effect of Health on Economic Growth: A Production Function Approach”. World Development, 32, 1 (2004): 1–13.

Sanni Yaya et Mamadou Barry. (2015). “Les politiques de santé ne se fondent que sur des critères rationnels”. In Valery Ridde & Fatoumata Ouattara (Eds.). Des idées reçues en santé mondiale. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, pp. 26-30.

Mamadou Barry & Sanni Yaya. (2015). Financement de la santé et efficacité de l’aide internationale : Enjeux, défis et perspectives. Ottawa : Presses de l’Université d’Ottawa, pp.25.

Stephanie L. Smith and Jeremy Shiffman (2016). “Setting the global health agenda: The influence of advocates and ideas on political priority for maternal and newborn survival”. Soc Sci Med, 2016 Oct; 166: 86–93.